Le cirque de Mafate est un territoire d’exception par l’invraisemblance de son relief, sa verticalité, la force de son paysage et son enclavement.
On dit parfois que Mafate est “une ile dans une ile”. Mais au delà de cette curiosité géologique, ce site grandiose si intemporel émerveillant les regards d’en bas ou d’en haut, que serait notre émotion sans la population qui “habite” les ilets, véritables âmes du cirque et héritière si criante de l’histoire du marronnage, souvent violente, fondée sur l’instinct de survie et la dissimulation… Période qui n’est pas au fond si éloignée de nous.
Depuis moins de vingt ans, la modernité a fait une intrusions très visible dans le Cirque. Bien souvent, elle a permis aux Mafatais d’accéder au confort le plus élémentaire, d’améliorer leurs conditions de vie, de former leurs enfants, d’apporter les oins et de développer une économie ciblée sur le tourisme…
Bien souvent, cette évolution a été synonyme de bienfaits, en tout cas pour les gens extérieur au Cirque.
Pour autant, si les Mafatais n’y prenaient garde, cette transformation si compréhensible de la société mafataise pourrait leur échapper et engloutir jusqu’à leurs propres valeurs…
Pour vivre sereinement leur développement, les Mafatais doivent donc être réellement acteurs et rapidement s’interroger sur la direction qu’ils souhaitent emprunter, en pesant bien le “pour” et le “contre”… La réponse à cette question fondamentale ne peut venir que des Mafatais eux-mêmes, c’est une évidence. Autre évidence, pour répondre à cette question, il faut sans doute aussi que les Mafatais n’oublient pas d’où ils viennent.
L’Histoire du Cirque
Mafate est un Cirque chargé d’histoire: De la colonisation de l’ile à aujourd’hui, Mafate a toujours été un espace à part.
Dès 1663, les premiers colons se sont installés à la Réunion. C’est en 1832 que les premiers esclaves arrivent sur l’Ile. Ils vont travailler dans des plantations de café toute leur vie, sous la chaleur de l’hémisphère Sud. Certains s’enfuient de leurs plantations , et sont traqués par des chasseurs d’esclaves, tels des animaux. On les appelle les “marrons” et ils vont se cacher dans l’endroit le plus inaccessible de l’Ile encore aujourd’hui: Mafate. Le nom de Mafate vient d’ailleurs d’un nom d’un “marron”, le malgache Mahafaty.
Encore aujourd’hui…
Le Cirque reste à l’écart du monde, sachant que pour y aller, il faut prendre l’hélicoptère ou ses 2 petites jambes puisque aucune route n’y passe ! Vivant du tourisme, les mafatais reçoivent leur courrier grâce à leurs courageux facteurs qui parcourent chaque jour des dizaines de kilomètres à pieds afin de desservir les 800 habitants de Mafate, vivant sur des “ilets” qui sont semés partout dans le Cirque ! Portant parfois des colis volumineux, des kilos de lettres pour les habitants, les facteurs mafatais affrontent vent et tempêtes mais aussi la chaleur pour mener à bien leurs missions ! Le plus connu d’entre eux, Yvrain Pausé, en 40 ans de carrière, a parcouru plus de 252 000 kilomètres (plus de 6 fois le tour de la Terre !) et porté plus de 30 tonnes de lettres. Né en 1928 dans le Cirque de Salazie, il a grandi dans son Cirque natal et a pu profité d’une éducation plutôt rare dans les Cirques. Élever par son père, Henri Pausé, qui lui était le tout premier facteur de Mafate. Puisque à l’époque de son père, il n’y avait pas encore de représentant de la loi ni de médecin dans les Cirques, son père était appelé pour résoudre les problèmes des habitants (2000 habitants en 1950), tel un shérif. Lorsque son père laissa son poste en 1951, Yvrain le reprit. Parcourant a peu près 50 kilomètres par jour avec 18 kilos sur son dos, Yvrain couvrait la totalité du Cirque à pieds.
Mon seul regret, c’est que mon père ne m’a jamais vu facteur.
Parole d’Yvrain
